20 juillet 2020

Vous achetez ou vendez une entreprise? Sachez les règles relatives aux renseignements personnels.

Par Laurie Propeck

L’adoption, au début des années 2000, par le gouvernement fédéral et diverses provinces canadiennes telles que le Québec, l’Alberta et la Colombie-Britannique, de législation réglementant la collecte, l’utilisation et la divulgation de renseignements personnels, soit tout renseignement permettant d’identifier un individu, démontre l’importance accordée à la protection de ce type d’information. Le droit québécois impose de strictes obligations aux parties détenant des renseignements personnels sur un individu, dont l’obligation d’obtenir le consentement de ce dernier avant de communiquer ses renseignements à un tiers (désigné comme le Principe de consentement).

Dans le cadre de transactions de fusion-acquisition, certains renseignements personnels relatifs aux employés, clients et fournisseurs du vendeur sont inévitablement divulgués à l’acheteur, ce qui implique que ce dernier ainsi que le vendeur doivent être conscients des obligations et restrictions qui leur incombent. Au cours du processus de revue diligente, l’acheteur aura fort probablement accès à divers documents du vendeur comprenant des renseignements personnels, tels que des contrats de service et de travail, des litiges impliquant le vendeur ainsi que des listes détaillant les clients, fournisseurs et employés du vendeur.

Par conséquent, il est dans de nombreux cas fort difficile de respecter le Principe de consentement dans le contexte de transactions de fusion-acquisition. Malgré cette réalité, divers commissaires ou médiateurs chargés de superviser l’application des lois provinciales ou territoriales relatives à la protection de la vie privée ont à plusieurs reprises tenu responsables les parties à une transaction de fusion-acquisition, y compris leurs conseillers juridiques, d’avoir échangé des renseignements de nature personnelle en violation de la législation applicable en la matière. À titre d’exemple, en Alberta, deux cabinets d’avocats renommés avaient par inadvertance inclus dans leur documentation d’achat et de vente les adresses résidentielles et numéros d’assurance sociale des employés du vendeur et ces informations avaient par la suite été publiées sur SEDAR, un site web ayant un accès non protégé par un mot de passe. Dans cette affaire, le commissaire de l’Alberta avait déterminé que : (i) la communication des renseignements personnels des employés n’était pas nécessaire afin de conclure la transaction commerciale; (ii) la communication des renseignements par les avocats de l’acheteur aux avocats du vendeur contrevenait à la Loi sur la protection des renseignements personnels de l’Alberta; et (iii) le vendeur demeurait responsable de la contravention à la loi albertaine commise par le cabinet d’avocats l’ayant représenté.

Le 12 juin 2020, le gouvernement du Québec a déposé le projet de loi 64 visant à moderniser le cadre juridique applicable à la protection des renseignements personnels, notamment en proposant une exception au Principe de consentement dans le contexte de transactions de fusion-acquisition qui existe présentement en vertu de la loi fédérale et de certaines autres lois provinciales. Ce projet de loi devrait entrer en vigueur un an suivant la date de sa sanction, laquelle a toutefois peu de chances de se produire avant l’automne 2020. Ce projet de loi propose entre autres d’ajouter l’article 18.4 à la Loi sur la protection des renseignements personnels dans le secteur privé qui autoriserait un vendeur à divulguer à un acheteur des renseignements personnels concernant un individu tel qu’un client, un fournisseur ou un employé, sans le consentement de l’individu concerné, dans la mesure où : (i) ces renseignements sont nécessaires afin de conclure une transaction commerciale impliquant un transfert de propriété de tout ou partie d’une entreprise; et (ii) les parties conviennent de certaines conditions.

Si ce projet de loi est adopté, les parties à une transaction de fusion-acquisition pourront s’échanger les renseignements personnels nécessaires sans obtenir au préalable le consentement des personnes concernées, à condition que les parties concluent entre elles un accord stipulant que la partie à laquelle de tels renseignements sont divulgués convient:

  • d’utiliser ces renseignements uniquement dans le but de conclure la transaction;
  • de ne pas communiquer/divulguer ces informations à une autre partie sans avoir obtenu le consentement préalable de l’individu concerné;
  • de mettre en place des mesures afin de garantir la confidentialité des renseignements; et
  • de détruire les renseignements si la transaction n’est pas conclue ou si ces informations ne sont pas nécessaires afin de conclure la transaction.

 

Que cette exception au Principe de consentement entre en vigueur ou non, les parties à une transaction de fusion-acquisition doivent être conscientes que la divulgation de renseignements personnels est généralement interdite si le consentement de l’individu concerné n’est pas préalablement obtenu. Les parties doivent veiller à ce que leurs conseillers juridiques les aide à naviguer à travers les diverses restrictions applicables en matière de protection de la vie privée afin que, d’une part, l’acheteur puisse obtenir les informations nécessaires afin de décider en toute connaissance de cause de procéder à une acquisition et que, d’autre part, le vendeur se conforme à la législation en vigueur. L’équipe de droit corporatif de KRB peut vous aider à vous conformer adéquatement à la législation en matière de protection de la vie privée tout en vous aidant à atteindre vos objectifs commerciaux.

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