8 août 2019

Successions : preuve d’inaptitude et de captation

Par : Gabriel Di Genova

Une dame âgée de 86 ans, en piètre santé physique, quitte sa résidence, déshérite son mari des 39 dernières années et va habiter chez ses neveux. Alors qu’elle est hospotalisée, elle mandate un avocat et un notaire, le premier pour obtenir une séparation de corps et le second, pour rédiger un nouveau testament en faveur des neveux. Cette série d’évènements s’échelonne sur une période de 4 semaines.

Les faits de l’affaire dans Brusenbauch c. Young, 2019 QCCA 914 (CanLII) amènent la Cour d’appel à refuser d’invalider le testament réflétant les changements des dernières volontés de la défunte. La Cour a ainsi révisé les règles de preuve qu’une partie doit respecter lorsqu’elle tente de faire invalider un testament pour causes d’inaptitude ou de captation.

Dans son jugement, la Cour d’appel analyse si le tribunal de première instance a commis une erreur de fait et de droit manifeste et déterminante en concluant que la défunte :

1) n’a pas fait l’objet d’une captation; et

2) possédait la capacité requise pour comprendre la nature et les conséquences de son nouveau testament, notamment par le refus de renverser le fardeau de la preuve pour démontrer la capacité après qu’une preuve prima facie de l’incapacité a été présentée au procès.

La Cour d’appel a confirmé la décision de première instance et au passage, a clarifié le fardeau de preuve requis relativement aux deux arguments présentés par le demandeur pour tenter d’invalider le plus récent testament.

La Cour d’appel explique que toute prétention sur le fait qu’un testament a été fait sous captation est dépendante des circonstances de l’affaire :

[16] The rule is that which applies in all civil matters, unless the law provides otherwise: the party who alleges undue influence (“captation”), which implies fraud (“dol”) and consequently, a defect in consent, must establish both, as well as causation, on a balance of probabilities, according to articles 2803 and 2804 C.C.Q.

La Cour d’appel déclare que le même fardeau de preuve s’applique aux allégations d’incapacité, mais précise que les critères de common law et de droit civil sont différents. Alors qu’en common law, il incombe au bénéficiaire prévu d’un testament de démontrer sa validité, en droit civil québécois, la présomption de fait est que le testateur est capable et le testament valide :

[24] […]
Il se peut que le langage et la méthode d’analyse employée dans plusieurs jugements québécois témoignent de l’influence parfois inconsciente, de certains arrêts de la Cour suprême ou du Conseil privé, qui étudiaient la validité d’un testament dans des affaires relevant de la common law, à partir d’un fondement différent, c’est-à-dire de l’obligation, pour la partie qui réclamait le bénéfice d’un testament, d’en soutenir et d’en démontrer la validité. Le droit testamentaire, dans la province de Québec, partait d’un principe opposé, qui exprimait une présomption de fait favorable à la capacité et à la validité de l’acte. (emphase ajoutée)

Peu importe les circonstances curieuses de l’affaire ou l’issue du changement de bénéficiaire, la Cour d’appel réaffirme le principe selon lequel la volonté du testateur doit être respectée.

En conclusion, le demandeur n’a pu faire invalider par la Cour le testament le plus récent, puisqu’il n’a pas établi que la défunte avait été indûment influencée par ses neveux ou qu’elle était inapte au moment de la signature du testament.

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