27 mai 2022

Quelles seront les répercussions du controversé projet de loi 96 sur les prêteurs et les emprunteurs?

Par : Suzanne Villeneuve

Le Projet de loi 96 réformant la Charte de la langue française vise à réformer plusieurs textes de loi du Québec. Cet article vise à souligner tout particulièrement l’impact du Projet de loi 96 sur les prêteurs et emprunteurs lors de la mise en place de conventions de financement si le Projet de loi 96 entre en vigueur dans son état actuel :

  • Article 55 Charte de la langue française: Les contrats d’adhésion et les documents qui s’y rattachent devront être rédigés en français. Afin de déterminer si une convention constitue un contrat d’adhésion et doit se conformer à cette exigence, une analyse factuelle s’avère nécessaire. En effet, la qualification de contrat d’adhésion repose sur une évaluation factuelle de l’absence de négociation relativement aux stipulations essentielles[1]. Par exemple, il faut évaluer si les modalités essentielles d’un prêt telles que le montant, le taux d’intérêt et les modalités de remboursement de celui-ci sont négociées entre les parties[2].

Dorénavant, il sera insuffisant d’ajouter une clause à l’effet que les parties désirent contracter en anglais dans une entente qui constitue un contrat d’adhésion. Les parties pourront seulement convenir de rédiger un tel contrat en anglais, si telle est leur volonté après avoir pris connaissance de sa version française. Les conséquences du non-respect de cet article sont la nullité de la convention en question, et ce, sans que le demandeur ait besoin de prouver un quelconque préjudice. Des sanctions pénales pourraient également être applicables.

  • Article 55.1 Charte de la langue française: Le contrat de vente d’un immeuble principalement résidentiel de moins de cinq logements, le contrat de vente d’une fraction en copropriété d’un immeuble principalement résidentiel, la promesse de conclure un contrat de vente d’un immeuble principalement résidentiel de moins de cinq logements et la vente d’un immeuble à usage d’habitation devront être rédigés en français.

Toutefois, contrairement aux documents visés à l’article 55 Charte de la langue française, les parties pourront choisir de contracter exclusivement en anglais, si telle est leur volonté, par la simple mention expresse à cet effet dans le contrat. Il importe de remarquer que cet article concerne certains contrats liés à la vente d’immeubles résidentiels donc les transactions impliquant la vente d’immeubles commerciaux ne seront pas visées.

  • Article 57 Charte de la langue française : Les factures, les reçus, les quittances et les autres documents semblables devront être rédigés en français. Ces documents pourront toutefois être rédigés en anglais si une version française est accessible dans des conditions similaires à la version anglaise, et ce, même si ces documents sont liés à un contrat en anglais qui respecte les conditions de l’article 55 Charte de la langue française.
  • Article 21 Charte de la langue française: Les contrats conclus avec le gouvernement ou ses organismes devront être rédigés exclusivement en français, et ce, peu importe que le cocontractant soit une entreprise québécoise ou étrangère. Toutefois, les contrats d’emprunt avec le gouvernement ou ses organismes pourront être rédigés à la fois en français et en anglais. On en comprend donc qu’il serait donc interdit de rédiger une convention de prêt avec le gouvernement uniquement en anglais.
  • Article 91 Charte de la langue française: Lorsque la rédaction d’un document est permise à la fois en français et en anglais, comme est le cas avec un contrat d’emprunt avec le gouvernement en vertu de l’article 21 Charte de la langue française, le français doit minimalement être présent d’une manière aussi évidente et la version française doit être complète sans devoir se reporter à la version anglaise.
  • Article 26 Loi sur la protection du consommateur: Le contrat relatifs aux biens et aux services ainsi que les documents qui s’y rattachent devront être rédigés en français.  Il sera donc désormais insuffisant d’ajouter une clause à l’effet que les parties désirent contracter en anglais. Les parties pourront seulement convenir de rédiger le contrat en anglais, si telle est leur volonté, après avoir pris connaissance de la version française dudit contrat.
  • Article 1060 Code civil du Québec: La déclaration de copropriété ainsi que ses amendements devra être présentée exclusivement en français au Bureau de la publicité foncière.
  • Article 2984 Code civil du Québec: Les réquisitions d’inscription au registre foncier et au registre des droits personnels et réels mobiliers (RDPRM) devront être rédigées exclusivement en français.
  • Article 3006 Code civil du Québec: Les documents accompagnant les réquisitions d’inscription devront être traduits en français si ceux-ci sont rédigés dans une langue autre que le français.

Considérant l’adoption du Projet de loi 96 par l’Assemblée nationale du Québec survenue le 24 mai 2022, il nous importe de rapidement sensibiliser les prêteurs et les emprunteurs au sujet des changements auxquels ils devront se conformer à compter de la sanction royale.

Si vous souhaitez en savoir davantage sur le Projet de loi 96 et les impacts potentiels sur votre entreprise, n’hésitez pas à communiquer avec un membre de notre département de financement.

[Cet article a été mis à jour pour tenir compte des amendements au projet de loi 96 adoptés lors de la séance du 17 février 2022.]

[1] Lefebvre, B. (2003). Le contrat d’adhésion. La revue du notariat, volume 105, p. 453 à 455.

[2] Westboro mortgage investment limited partnership c. 9080-9013 Québec Inc. et al., 2018 QCCS 1 au para 50.

Retour