27 janvier 2021

Modifications importantes proposées aux exigences de divulgation en matière de transparence des entreprises au Québec

Par Nicolas Sayour

Le Gouvernement du Québec a récemment franchi une étape importante afin de renforcer les exigences de transparence des entreprises en déposant le projet de loi 78 (Loi visant principalement à accroître la transparence des entreprises) (le « Projet de loi »), suivant ainsi le pas de son homologue fédéral qui a modifié la Loi canadienne sur les sociétés par actions (« LCSA ») en 2019 pour y introduire la notion de particulier ayant un contrôle important. En conformité avec les objectifs de la législation fédérale, le Projet de loi vise principalement à lutter contre l’évasion fiscale, le blanchiment d’argent, le financement du terrorisme et la fraude en général.

Le Projet de loi modifie la Loi sur la publicité légale des entreprises (« LPLE ») en exigeant la divulgation obligatoire, par toutes les formes d’entreprises faisant affaires au Québec, y compris les entreprises non québécoises faisant affaires ou ayant une adresse au Québec (chacune un « Assujetti »), des renseignements relatifs à leurs « bénéficiaires ultimes » au Registraire des entreprises du Québec pour publication au Registre des entreprises du Québec (« REQ »). Cette modification va au-delà de ce qui est prévu par la LCSA puisque les renseignements divulgués seront accessibles au public, contrairement à la tenue d’un registre interne par les sociétés régies par la LCSA, accessible à Revenu Québec et à l’Agence du revenu du Canada sur demande.

Un individu se qualifiant comme bénéficiaire ultime, lequel est similaire à un particulier ayant un contrôle important en vertu de la LCSA, est défini comme étant une personne physique qui :

  • «est la détentrice, même indirectement, ou la bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités de l’assujetti qui lui confère la faculté d’exercer 25 % ou plus des droits de vote afférents à celles-ci;
  • est la détentrice, même indirectement, ou la bénéficiaire d’un nombre d’actions, de parts ou d’unités d’une valeur correspondant à 25 % ou plus de la juste valeur marchande de toutes les actions, parts ou unités émises par l’assujetti;
  • exerce le contrôle de fait de l’assujetti; ou
  • elle est le commandité d’une société en commandite. »

De plus, tel que prévu en vertu de LCSA, si des personnes physiques détenant des actions ou des parts d’un Assujetti ont convenu d’exercer conjointement les droits de vote attachés auxdites actions ou parts et qu’un accord leur confère, ensemble, le pouvoir d’exercer 25 % ou plus de ces droits de vote, chacune de ces personnes physiques est considérée comme un bénéficiaire ultime de l’Assujetti.

Les informations devant être divulguées par un Assujetti concernant chaque bénéficiaire ultime, comprennent :

  • le nom;
  • la date de naissance (suite aux modifications à la LPLE, la date de naissance sera obligatoire pour toute personne dont l’identification doit être divulguée au REQ, y compris les administrateurs, les dirigeants, les associés et les actionnaires);
  • le type de contrôle exercé ou pourcentage d’actions ou d’unités détenues ou dont chacun est bénéficiaire;
  • l’adresse résidentielle (ou adresse professionnelle : un particulier sera autorisé à déclarer une adresse professionnelle au lieu d’une adresse résidentielle afin de préserver la confidentialité de son adresse résidentielle); et
  • La date à laquelle l’individu est devenu et cesse d’être un bénéficiaire ultime.

Ces informations devront être mises à jour dans les 30 jours suivant toute modification et le non-respect des nouvelles dispositions et exigences de divulgation entraînerait pour l’Assujetti défaillant des pénalités pouvant aller jusqu’à 25 000$ conformément aux dispositions pénales générales de la LPLE.

La disponibilité des informations susmentionnées sur le REQ permettra au public d’effectuer des recherches par nom concernant des individus spécifiques et devrait permettre d’identifier toutes les entreprises auxquelles un individu est lié, que ce soit en tant qu’administrateur, dirigeant, actionnaire, partenaire ou bénéficiaire ultime.

De plus, afin de protéger et de préserver la confidentialité de certains renseignements personnels et de prévenir une menace sérieuse à la sécurité d’un bénéficiaire ultime, le cas échéant, certaines restrictions s’appliqueront en ce qui concerne la disponibilité de certaines informations (e.g. le REQ ne publiera pas d’informations concernant les mineurs qui sont bénéficiaires d’une fiducie).

Il n’est pas présentement clair si les obligations de divulgation susmentionnées s’appliqueront aux organisations à but non lucratif et aux sociétés publiques, mais l’attente est qu’elles ne le soient pas. De la réglementation additionnelle devrait suivre afin de répondre à ces questions et afin de fournir des détails supplémentaires en lien aux critères permettant de qualifier une personne de bénéficiaire ultime.

Tel que prévu par l’annonce du gouvernement du Québec, ces nouvelles exigences ne devraient entrer en vigueur qu’un an après l’adoption des modifications législatives, afin de donner aux entreprises un délai raisonnable pour s’y conformer.

 

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