16 juin 2020
Les conventions entre actionnaires ne sont pas toutes pareilles!
Par Laurie Propeck
Si vous exploitez une petite ou moyenne entreprise avec des partenaires, il y a de bonnes chances que vous ayez conclu, ou du moins effleuré l’idée de conclure, une convention entre actionnaires. Comme vous le savez peut-être, une convention entre actionnaires est une entente utilisée afin d’encadrer les relations entre les actionnaires d’une société (restrictions sur les transferts d’actions, droits ou obligations de sortie, engagements à financer des opérations dans le futur, etc.), et d’énoncer certains droits et procédures de gestion (nomination des administrateurs et dirigeants, votes sur certaines décisions, droits d’information, etc.).
Cependant, vous ne savez peut-être pas qu’une convention unanime entre actionnaires (une CUA) est un type particulier de convention entre actionnaires dont les objectifs sont bien précis et dont découlent d’importantes conséquences légales.
Description d’une CUA
Une CUA possède deux caractéristiques de base sans lesquelles elle ne peut constituer une convention unanime entre actionnaires au sens des lois corporatives : (i) elle doit être signée par tous les actionnaires, actuels et futurs, qu’ils détiennent des actions votantes ou non et (ii) elle doit retirer ou restreindre les pouvoirs des administrateurs de la société qui, en temps normal, ont le pouvoir de gérer les activités et les affaires de la société ainsi que de prendre des décisions d’affaires importantes.
En vertu d’une CUA, ces pouvoirs du conseil d’administration peuvent être restreints d’une manière directe en retirant soit l’entièreté des pouvoirs du conseil d’administration ou, en ne retirant que certains pouvoirs spécifiques. Typiquement, tous les pouvoirs du conseil sont retirés lorsqu’une société n’est détenue que par quelques actionnaires qui s’entendent sur la manière de gouverner et de gérer les activités de la société. Dans de tels cas, il n’est pas rare que les actionnaires requièrent que toutes les décisions soient prises entre eux à l’unanimité. En ce qui a trait aux situations où seuls certains pouvoirs sont retirés des mains des administrateurs, cela se produit généralement dans des cas où, par exemple, un tiers investisseur investi une somme importante d’argent dans la société et requiert, en échange, qu’un droit de veto lui soit octroyé sur certaines décisions importantes qui, en temps normal, sont prises par le conseil.
Plutôt que de retirer certains ou tous les pouvoirs du conseil, les actionnaires peuvent également décider de restreindre ces pouvoirs d’une manière plus indirecte en déterminant que certaines décisions devant être prises par le conseil et/ou approuvées par les actionnaires requièrent plus que la règle de la majorité simple normalement requise en vertu des lois corporatives provinciales et canadienne. Généralement, cette avenue est empruntée lorsqu’une société est détenue par un plus grand nombre d’actionnaires ayant des intérêts convergents mais distincts dans les affaires de la société. Dans ce cas, les actionnaires pourraient, par exemple, déterminer que certaines décisions seront prises par majorité spéciale (c.-à.d. plus de 50%).
Conséquences légales
Il est important de garder à l’esprit que des conséquences légales particulières découlent du fait de conclure une CUA, tels que les éléments suivants : (i) lorsque tous les pouvoirs ou certains d’entre eux sont retirés des mains des administrateurs, les actionnaires détiendront ensuite ces pouvoirs et assumeront, face à la société et aux tiers, les responsabilités et obligations y étant liés; (ii) les lois québécoises obligent toute société faisant affaires au Québec (qu’elle soit incorporée en vertu des lois du Québec ou non) à divulguer l’existence d’une CUA au Registraire de entreprises du Québec; (iii) lorsque les pouvoirs des administrateurs sont retirés et exercés par les actionnaires, le nom de chaque actionnaire exerçant ces pouvoirs doit également être divulgué au Registraire; et (iv) bien que, dans plusieurs cas, les dispositions d’une CUA soient opposables aux tiers, les actionnaires doivent garder en tête qu’il est possible qu’on requiert qu’ils fournissent une copie de la CUA à certains tiers (tels que les créanciers de la société).
Clauses usuelles d’une convention entre actionnaires
Même si toute convention entre actionnaires est propre à chaque situation et diffère ainsi grandement d’un cas à l’autre, certains types de clauses se retrouvent communément dans la plupart des conventions entre actionnaires, qu’elles se qualifient ou non de CUA.
La majorité des conventions entre actionnaires contiennent généralement des dispositions portant sur la gouvernance et la prise de décision. De telles clauses peuvent déterminer la taille du conseil d’administration, son quorum, la fréquence des réunions du conseil et la manière dont les administrateurs sont élus. Une clause usuelle inclut généralement le droit d’un actionnaire ou d’un groupe d’actionnaires particulier de nommer un ou plusieurs administrateur(s) au conseil.
La plupart des conventions entre actionnaires prévoient également une section portant sur les restrictions et obligations liées au transfert d’actions telles que : (i) des restrictions sur les transferts d’actions afin de n’autoriser des transferts que dans des situations spécifiques et prédéterminées; (ii) un droit de préemption afin d’empêcher la dilution de la participation des actionnaires lorsque de nouvelles actions sont émises; (iii) un droit de premier refus permettant aux actionnaires d’avoir l’option d’acquérir les actions d’un autre actionnaire qui souhaite vendre ses actions; (iv) un droit de suite permettant aux actionnaires minoritaires de requérir qu’un tiers acheteur achète également ses actions; et (v) un droit d’entraînement permettant aux actionnaires majoritaires d’obliger les actionnaires minoritaires à vendre leurs actions à un tiers qui souhaite acheter toutes les actions de la société.
Une variété d’autres clauses peuvent également être incluses, dont certaines peuvent porter sur les sujets suivants : (i) des clauses de résolution de conflit énonçant, par exemple, que le recours à la négociation, la médiation ou l’arbitrage soit obligatoire en cas de litige; (ii) des clauses de non-concurrence et de non-sollicitation restreignant la capacité de certains actionnaires de faire concurrence à la société et, généralement, de solliciter les employés et clients de cette dernière, ce genre de clauses étant habituellement limité à un territoire précis et dans le temps; (iii) des clauses de financement déterminant généralement des éléments tels que le budget annuel de la société et si certains ou tous les actionnaires auront l’obligation de financer la société; et (iv) des dispositions de sortie tels que des mécanismes d’achat et de vente forcée ou de « shot-gun » déterminant les conditions en vertu desquelles certains actionnaires peuvent vendre leurs actions de la société.
Comme vous pouvez le voir, les conventions entre actionnaires doivent être rédigées avec soin dans les premiers moments de la création de votre entreprise afin d’éviter de futurs problèmes malencontreux. Les membres du groupe de droit corporatif de KRB ont l’habitude de composer avec des conventions entre actionnaires dans divers contextes et peuvent vous aider à naviguer à travers cette étape afin d’assurer que vous soyez dûment protégés, bien sûr, mais également afin d’assurer que les modalités de votre convention entre actionnaires reflètent adéquatement vos besoins légaux et d’affaires.