17 janvier 2022

Le droit du travail en 2021 – Partie 1 de 3 : Comment la pénurie de main-d’œuvre peut réduire le quantum payable en cas d’une réclamation pour congédiement injustifié ?

Par : Gabriel Di Genova

Dans une récente décision, la Cour du Québec a identifié les pénuries de main-d’œuvre sur le marché du travail comme un motif potentiel de réduction de l’indemnité due par un employeur à un employé congédiée sans juste cause.

Dans Cossette c. Les Entreprises B. Chouinard, 2021 QCCQ 12029, la demanderesse a été embauché à temps partiel par le défendeur en 2017 comme associé aux ventes de matériel électronique et informatique. Au cours de son emploi (environ un an et demi), la demanderesse était en processus de changement de sexe. L’emploi de la demanderesse a soudainement été pris fin à la fin de l’année 2018, et la demanderesse a déposé une plainte contre son ancien employeur, alléguant que la cessation de son emploi était due à un comportement discriminatoire fondé sur l’identité ou l’expression de genre, une catégorie protégée en vertu de s. 10 de la Charte des droits et libertés de la personne (Québec).

La demanderesse allègue avoir subis des pertes de revenu d’une somme de 16 062,50 $ (réduite par la suite à 15 000 $), représentant plusieurs mois de salaire perdu. La Cour a conclu, sur la base de preuves testimoniales, que le licenciement était vraisemblablement dû au manque de tolérance de l’employeur défendeur à l’égard du changement d’identité de genre et de la transition de l’employée demanderesse. La Cour a ordonné à l’employeur de verser à la plaignante des dommages moraux et punitifs pour la violation d’un droit de la personne, ainsi qu’une indemnité pour perte de salaire.

Alors que le tribunal a donné gain de cause à la demanderesse, le quantum de
15 000$ recherché à titre d’indemnité pour perte de salaire n’est pas retenu. Le tribunal a pris connaissance d’office de la pénurie de main-d’œuvre au Québec, et a conclu que l’employée aurait pu rapidement prendre des mesures pour se trouver un emploi alternatif:

[60] L’évaluation qui a été faite par la Commission au niveau des dommages matériels, pour la perte de salaire des mois de novembre et décembre 2018, soit 1 000 $, semble réaliste aux yeux du Tribunal.

[61] En effet, dans un contexte où se pointait déjà, à l’époque, la pénurie de main-d’œuvre et que nous étions à la veille de la période de Noël, tout porte à croire que madame Cossette aurait pu se retrouver un emploi à temps partiel plus rapidement que ce qu’elle a fait. (Soulignement ajouté)

Compte tenu de la crise liée à la pénurie de main-d’œuvre, surtout dans le secteur de vente au détail, le Tribunal suggère qu’un employé qui perd son emploi sans juste cause doit démontrer agir rapidement afin de trouver un poste ailleurs, et ce, dans l’optique de recouvrir les sommes perdues auprès d’un ancien employeur. Alternativement, la décision suggère en outre que, même dans le cas où un employeur est reconnu par un tribunal avoir licencié abusivement un employé, cet employeur peut être en mesure de plaider avec succès pour une réduction du montant de l’indemnité réclamée par cet employé pour perte de revenus, lorsque ce salarié n’a pas pris l’initiative nécessaire pour trouver un autre emploi à la suite de son licenciement.

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