29 juillet 2020

Exercer son droit à la clôture d’une transaction : l’action en passation de titre

Par  Antoine Hammam

Offrir d’acheter ou de vendre une propriété est un engagement sérieux qui ne doit pas être pris à la légère. Une fois acceptée par l’autre partie, une telle offre est transformée en une promesse bilatérale d’achat-vente, qui accorde à chacune des parties le droit à son exécution en nature.

Dans une récente décision de la Cour supérieure[1] sur l’action en passation de titre entreprise par le vendeur d’un immeuble, l’acheteur a été durement rappelé des graves conséquences de son refus de compléter la transaction. Non seulement le tribunal lui a ordonné de signer l’acte de vente et de payer le prix de vente, mais il a également été condamné à indemniser le vendeur pour les dommages que ce dernier avait subi en raison du retard dans le transfert de titre.

Une action en passation de titre peut être prise par l’une ou l’autre des parties à une promesse d’achat-vente et est soumise aux formalités suivantes que le demandeur se doit de remplir:

  1. L’existence d’une promesse d’achat-vente valide et exécutoire, dont toutes les conditions, le cas échéant, ont été remplies ou abandonnées;
  2. Une lettre de mise en demeure envoyée à l’autre partie, lui enjoignant de signer l’acte de vente;
  3. Le demandeur doit présenter un acte de vente signé qui est substantiellement conforme aux conditions de la promesse d’achat;
  4. Si le demandeur est l’acheteur, il doit déposer le prix de vente au greffe de la Cour, ou s’engager formellement à effectuer le paiement dans le cadre des procédures;
  5. L’action du demandeur doit être prise dans un délai raisonnable, lequel dépend largement des circonstances de la transaction et des faits particuliers du litige.

Alors que ces formalités devaient, auparavant, être strictement respectées, et étaient fatales au recours du demandeur si elles n’étaient pas satisfaites avant d’entreprendre les procédures, les tribunaux ont depuis assoupli leur position. À titre d’exemple, l’absence de lettre de mise en demeure n’est, désormais, plus fatale, dans la mesure où le demandeur respecte les autres formalités. Il n’est également plus essentiel de déposer le prix de vente à l’avance. Un engagement formel de payer, accompagné d’une preuve de fonds suffisants, d’une lettre de garantie irrévocable, ou d’un engagement hypothécaire de la part d’une institution financière sont jugés suffisant dans la plupart des cas. Dans certaines situations, les tribunaux ont autorisé le demandeur à déposer le prix de vente au greffe de la Cour dans un délai raisonnable à la suite du jugement reconnaissant son droit au transfert du titre, à l’expiration duquel le jugement devient exécutoire.

À l’instar de la récente décision mentionnée ci-dessus, lorsque le tribunal donne droit à l’action en passation de titre, le demandeur peut également être compensé pour les dommages et intérêts subis en conséquence du retard du défendeur à passer titre. Ces dommages incluent, notamment:

  1. Les Frais de notaire et de transaction;
  2. Les frais bancaires, y compris les pénalités et les intérêts du prêt hypothécaire;
  3. Les pertes de profit;
  4. Les opportunités perdues, lorsque celles sont prévisibles et étroitement liées au défaut du défendeur;
  5. Les frais d’entretien et de garde de la propriété, y compris les taxes municipales et scolaires, les primes d’assurance, les frais d’électricité et d’entretien général;
  6. Les frais liés aux démarches de vente, y compris les frais de courtage, de publicité, les troubles et les inconvénients;
  7. Dans certains cas où le refus du défendeur de passer titres est considéré comme abusif, les honoraires d’avocat peuvent également être réclamés.

Ainsi, les parties à une promesse bilatérale d’achat-vente doivent faire preuve de prudence si elles changent d’avis et souhaitent se retirer de leurs obligations.

Un demandeur confronté à un co-contractant récalcitrant doit également être conscient qu’à moins d’une résolution amiable du différend, un jugement définitif lui transférant la propriété du bien recherché ne pourra être obtenu que plusieurs années après l’institution des procédures (2 à 3 ans en moyenne). C’est une considération importante, en particulier dans un contexte commercial, où la temporalité de la transaction est souvent primordiale. Lorsque la patience est hors de question, le demandeur peut choisir de renoncer à demander la passation de titre et opter uniquement pour une action en dommages-intérêts.

Si vous êtes dans une situation de conflit avec votre co-promettant acheteur ou vendeur, veillez à obtenir les bons conseils juridiques pour éviter de lourdes conséquences. Contactez un membre de l’équipe de KRB pour en savoir plus.

[1] Kenneth Haroon c. Michel Proulx, 2020QCCS 1625;

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