7 août 2020

Clause de non-embauche dans une transaction : à aborder avec prudence

Lors de la rédaction d’une convention commerciale, les parties prévoiront des protections contre le braconnage par une partie des opportunités d’affaires ou des employés de l’autre. Ces protections, telles que les clauses de non-sollicitation et de non-concurrence sont clairement délimités quant à leur portée et à leur applicabilité par les tribunaux. Cependant, les clauses de non-embauche qui interdisent spécifiquement l’embauche par une partie des employés de l’autre n’ont pas encore été soumises à un examen similaire. Bien qu’il puisse être tentant d’utiliser plutôt une clause de non-embauche puisqu’il est plus facile de prouver l’embauche que la sollicitation d’un employé, étant donné que leur légalité est à déterminer, les parties doivent faire preuve d’une grande prudence lorsqu’elles les incluent dans des conventions commerciales.

Signe qu’une telle prudence est justifiée, un règlement[1] récemment adopté limite à une durée maximale de 6 mois les clauses de non-embauche dans les conventions entre les agences de placement et leurs clients. En outre, une décision récente et souvent citée provenant de la Pennsylvanie[2] a statué qu’une clause de non-embauche dans une convention commerciale était non exécutoire. La cour a conclu que la clause limite le droit d’un employé de rechercher un emploi, un droit fondamental que la convention ne peut affecter alors que l’employé se trouve à être un tiers.

Ces exemples n’ont aucune incidence sur les conventions commerciales conclues au Québec. Cependant, ils fournissent des indices quant au caractère exécutoire de ces clauses qui, si elles ne sont pas correctement tempérées tel que suggéré ci-dessous, pourraient être jugées contraires à l’ordre public ou non-exécutoires en vertu de la Charte, du Code civil du Québec ou d’une autre législation. Comme d’autres clauses restrictives, si une clause de non-embauche serait maintenue par un tribunal, ce serait parce qu’elle a été judicieusement rédigée de façon à ce qu’elle protège raisonnablement un intérêt commercial légitime.

Les points suivants doivent donc être pris en compte lors de la rédaction d’une clause de non-embauche:

  • la clause ne doit pas être utilisée comme une clause distincte de la clause de non-sollicitation, ce que les tribunaux seraient plus réticents à appliquer;
  • elle devrait principalement servir à faciliter l’application de la clause de non-sollicitation en retirant la nécessité de prouver une sollicitation active et insistante ;
  • l’objectif de la clause peut être lié à un intérêt commercial légitime de la partie bénéficiaire en examinant :
  • les employés auxquels la disposition de non-sollicitation s’appliquerait ;
  • si la clause de non-embauche s’appliquerait aux anciens employés de la partie;
  • si la disposition survit pendant une durée raisonnable, est contenue dans une clause de non-sollicitation et est limitée à la même durée ou moins ; et
  • si les exclusions applicables à la clause de non-sollicitation (sollicitation générale, employés congédié sans cause, etc.) s’appliquent également à la clause de non-embauche.

Points clés à retenir:

  • La clause de non-embauche est utile comme moyen de dissuasion. Envisagez donc de l’ajouter à votre convention commerciale à condition qu’elle ait été rédigée conformément aux présentes lignes directrices et que vous soyez pleinement conscient des conséquences de sa contestation judiciaire.
  • Les clauses de non-embauche dans le cadre de fusions-acquisitions ou de contrats de travail avec des cadres supérieurs ont plus de chances d’être maintenues si elles sont contestées car on peut plus facilement faire valoir qu’elles servent à protéger des intérêts commerciaux légitimes.
  • Si vous envisagez d’inclure une clause de non-embauche dans votre convention, envisagez de prévoir des dommages-intérêts en cas de violation de celle-ci. Un tribunal peut faire appliquer la clause de non-embauche et conclure à sa violation, mais serait probablement réticent à ordonner la cessation de l’emploi de l’employé après son embauche par la partie contrevenante.

 

 

[1] Règlement sur les agences de placement de personnel et les agences de recrutement de travailleurs étrangers temporaires, RLRQ c N-1.1, r.0.
[2] Pittsburgh Logistics v. Beemac Trucking, No. 134 WDA 2017.

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